Page:Le Bon - Psychologie des foules, Alcan, 1895.djvu/197

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de la légalité, nulle intelligence de la discipline : des terreurs et des illusions sans bornes : le paysan et l’enfant se rencontrent en ce point. Leur calme rivalise avec leur impatience. Leur sauvagerie est pareille à leur docilité. C’est le propre d’un tempérament qui n’est point fait et d’une éducation absente. Rien ne les étonne et tout les déconcerte. Tremblants, peureux, intrépides, héroïques, ils se jetteront à travers les flammes et ils reculeront devant une ombre.

« Ils ne connaissent point les effets et les rapports des choses. Aussi prompts aux découragements qu’aux exaltations, sujets à toutes les paniques, toujours trop haut ou trop bas, jamais au degré qu’il faut et dans la mesure qui convient. Plus fluides que l’eau, ils reflètent toutes les couleurs et prennent toutes les formes. Quelle base de gouvernement pouvait-on espérer d’asseoir en eux ? »


Il s’en faut de beaucoup heureusement que tous les caractères que nous venons de décrire dans les assemblées parlementaires se manifestent constamment. Elles ne sont foules qu’à certains moments. Les individus qui les composent arrivent à garder leur individualité dans un grand nombre de cas ; et c’est pourquoi une assemblée peut élaborer des lois techniques excellentes. Ces lois ont, il est vrai, pour auteur un homme spécial qui les a préparées dans le silence du cabinet ; et la loi votée est en réalité l’œuvre d’un individu, et non plus celle d’une assemblée. Ce sont naturellement ces lois qui sont les meilleures. Elles ne deviennent désastreuses que lorsqu’une série d’amendements malheureux les rendent collectives. L’œuvre d’une foule est partout et toujours inférieure à celle d’un individu isolé. Ce sont les spécialistes qui sauvent les assemblées des mesures trop désordonnées et trop inexpérimentées.