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PSYCHOLOGIE DES FOULES

parce qu’il la méconnut qu’il entreprit, en Espagne et en Russie notamment, des guerres où sa puissance reçut des chocs qui devaient bientôt l’abattre.

La connaissance de la psychologie des foules est aujourd’hui la dernière ressource de l’homme d’État qui veut, non pas les gouverner — la chose est devenue bien difficile, — mais tout au moins ne pas être trop gouverné par elles.

Ce n’est qu’en approfondissant un peu la psychologie des foules qu’on comprend à quel point les lois et les institutions ont peu d’action sur elles ; combien elles sont incapables d’avoir des opinions quelconques en dehors de celles qui leur sont imposées ; que ce n’est pas avec des règles basées sur l’équité théorique pure qu’on les conduit, mais en recherchant ce qui peut les impressionner et les séduire. Si un législateur veut, par exemple, établir un nouvel impôt, devra-t-il choisir celui qui sera théoriquement le plus juste ? En aucune façon. Le plus injuste pourra être pratiquement le meilleur pour les foules. S’il est en même temps le moins visible, et le moins lourd en apparence, il sera le plus facilement admis. C’est ainsi qu’un impôt indirect, si exorbitant qu’il soit, sera toujours accepté par la foule, parce que, étant journellement payé sur des objets de consommation par fractions de centime, il ne gêne pas ses habitudes et ne l’impressionne pas. Remplacez-le par un impôt proportionnel sur les salaires ou autres revenus, à payer en une seule fois, fût-il, théori-

    cueillerait en libérateurs ses soldats ». Elle les accueillit comme des bêtes fauves. Un psychologue, au courant des instincts héréditaires de la race, aurait pu aisément prévoir cet accueil.