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PSYCHOLOGIE DES FOULES

toutes les catégories de foules, mais ils s’y présentent à des degrés forts divers ; et ici encore reparaît la notion fondamentale de la race, dominatrice de tous les sentiments et de toutes les pensées des hommes. C’est surtout chez les foules latines que l’autoritarisme et l’intolérance sont développés à un haut degré. Ils le sont au point d’avoir détruit entièrement ce sentiment de l’indépendance individuelle si puissant chez l’Anglo-Saxon. Les foules latines ne sont sensibles qu’à l’indépendance collective de la secte à laquelle elles appartiennent, et la caractéristique de cette indépendance est le besoin d’asservir immédiatement et violemment à leurs croyances tous les dissidents. Chez les peuples latins, les Jacobins de tous les âges, depuis ceux de l’inquisition, n’ont jamais pu s’élever à une autre conception de la liberté.

L’autoritarisme et l’intolérance sont pour les foules des sentiments très clairs, qu’elles conçoivent aisément et qu’elles acceptent aussi facilement qu’elles les pratiquent, dès qu’on les leur impose. Les foules respectent docilement la force et sont médiocrement impressionnées par la bonté, qui n’est guère pour elles qu’une forme de la faiblesse. Leurs sympathies n’ont jamais été aux maîtres débonnaires, mais aux tyrans qui les ont vigoureusement écrasées. C’est toujours à ces derniers qu’elles dressent les plus hautes statues. Si elles foulent volontiers aux pieds le despote renversé, c’est parce qu’ayant perdu sa force, il rentre dans cette catégorie des faibles qu’on méprise parce qu’on ne les craint pas. Le type du héros cher aux foules aura toujours la structure d’un César. Son panache les séduit, son autorité leur impose et son sabre leur fait peur.

Toujours prête à se soulever contre une autorité