Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/132

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seurs de capacités absolument étrangères à l’ouvrier.

L’action de ce dernier a toujours été à peu près nulle dans les grandes inventions qui le font vivre. Évidemment le travail manuel contribue à permettre d’utiliser ces inventions, mais avec les progrès incessants du mécanisme moderne, le rôle de la main-d’œuvre se restreint progressivement. Nous avons déjà dit à propos des usines électriques qu’un petit nombre de simples manœuvres suffit à les faire marcher. Dans la plupart des industries, celle des automobiles, par exemple, la main-d’œuvre ouvrière n’entre pas pour plus d’un cinquième dans la valeur totale de l’objet fabriqué.

Est-il vrai d’ailleurs que cette main-d’œuvre soit mal rétribuée ? Elle l’est au contraire si bien que beaucoup d’ouvriers reçoivent maintenant des salaires supérieurs à ceux qu’atteignent difficilement, après 20 ans de travail, une foule de bourgeois magistrats, officiers, médecins, ingénieurs, avocats, fonctionnaires, etc., munis cependant d’une éducation extrêmement coûteuse.

Dans la plupart des usines parisiennes, notamment celles des automobiles citées plus haut, le travail du dernier des manœuvres est payé 6 francs par jour, traitement d’un préparateur, déjà docteur, dans une Faculté, et les ouvriers un peu habiles arrivent rapidement à des gains quotidiens de 13 à 14 francs.

Parmi les illusions populaires figure, malheureusement, celle-ci que les hommes sont égaux par l’intelligence. Les bénéfices des chefs d’usine paraissent en conséquence injustement élevés. Un simple travailleur est pour la foule aussi apte à bien diriger une usine ou régir une Compagnie qu’un homme instruit. Les ouvriers ont pourtant fait de probantes expériences qui auraient dû les éclairer sur l’insuffisance de leurs capacités. Combien pourraient-ils citer d’entreprises industrielles fondées par eux, à l’aide de capitaux complaisants, ayant réussi ?

La haine des supériorités est si générale aujourd’hui, qu’on a vu de grandes villes, Brest, Dijon, Roubaix, Toulouse, etc., choisir comme maires et conseillers municipaux, de simples ouvriers, de modestes facteurs de gare, de médiocres commis.

On sait les résultats. Ils furent nettement désastreux. Un tel gaspillage financier et une si rapide désorganisation s’en suivirent qu’il fallut aux premières élections se