Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/140

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beaucoup de personnes capables d’admettre que lorsque 10.000 employés se mettront en grève, la perspective de la révocation ou même de la prison pourra les arrêter ? On les avait aussi menacés de la révocation dans la dernière grève. Quelle action la menace a-t-elle exercé sur eux ? Absolument aucune.

Ce moyen n’a pas été d’ailleurs le seul proposé : la discussion sur la grève au Parlement en a fait surgir de plus candides encore. Un député, d’âme évidemment simple, est venu assurer la Chambre que tout rentrerait dans l’ordre si le sous-secrétariat des postes était transformé en ministère ! Des mots et des formules, nous ne savons pas sortir.

En fait de remèdes, il n’en existait qu’un seul et après la seconde grève, force fut d’y avoir recours.

La conduite à tenir était exactement celle qui s’imposait déjà lors de la grève des électriciens des secteurs, dont les directeurs, par leur pusillanimité, déterminèrent en grande partie la grève des postiers.

Quand une armée en présence d’une autre se trouve dans l’impossibilité de fuir, il ne lui reste que deux partis à prendre, se constituer prisonnière ou combattre. En cédant, elle se met à la discrétion du vainqueur qui usera largement de sa victoire. En se défendant elle peut triompher. Vaincue, son sort n’est pas plus dur. Elle a en outre sauvé l’honneur.

La seule décision efficace pour le gouvernement qu’appuyait la Chambre, était donc de livrer bataille aux forces coalisées contre lui.

Électriciens, employés de chemins de fer et de beaucoup d’administrations se seraient peut-être joints aux postiers, l’émeute aurait troublé les rues et Paris se serait vu légèrement affamé pendant quelques jours. Dure peut-être eût été la lutte, mais le succès était certain. En cédant lâchement, on n’a pas évité de futurs combats, mais alors le triomphe sera beaucoup moins assuré, car s’il est encore possible aujourd’hui de s’appuyer sur l’armée, dans très peu d’années cela ne le sera probablement plus. Il n’y avait donc qu’un moment difficile à passer et mieux valait l’accepter pour en éviter de plus sombres. Deux principes contraires, l’ordre et la révolution, ne peuvent subsister simultanément. Les peuples ont subi de nombreux bouleversements, mais on n’en peut citer aucun