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tails dont on viendrait à bout avec le temps."

Ces petites transformations, qui réjouiraient assurément les plus purs des socialistes, semblent si faciles à l’auteur qu’il ne juge même pas utile d’indiquer le moyen de les opérer. Je crois cependant que pour toute personne un peu familiarisée avec l’étude de la constitution mentale des Arabes, réaliser de telles modifications n’offre guère moins de difficultés que de changer un indigène australien en professeur au Collège de France, ou d’apprendre à voler à un batracien.

Monsieur Leroy-Beaulieu n’est pas tendre d’ailleurs pour les Arabes, qu’il paraît considérer comme une collection de sauvages. Leur organisation est simplement, suivant lui, "l’ancienne constitution de tous les peuples pasteurs". L’auteur croit évidemment que tous les Arabes sont des pasteurs et tous les Berbères des sédentaires. En réalité, nomades et sédentaires subsistent chez les deux peuples. Les plus purs des Berbères, les Touaregs, sont exclusivement nomades. En lisant ce qu’écrivait Ibn Khaldoun au XIVe siècle, on voit que cette division des Berbères de l’Algérie en sédentaires et en nomades ne date pas d’hier.

"Depuis les temps les plus anciens, dit Ibn Khaldoun, cette race d’hommes (les Berbères), habite le Maghreb, dont elle a peuplé les plaines, les montagnes, les plateaux, les régions maritimes, les campagnes et les villes. Ils construisent leurs demeures, soit de pierres, soit d’argile, soit de roseaux et de broussailles, ou bien de toiles faites de poil de chameau. Ceux d’entre les Berbères qui jouissent de la puissance et qui dominent les autres s’adonnent à la vie nomade et parcourent avec leurs troupeaux les pâturages auxquels un court voyage peut les amener. Jamais ils ne quittent l’intérieur du Tell pour entrer dans les vastes plaines du désert. Ils gagnent leur vie à élever des moutons et des bœufs, réservant ordinairement les chevaux pour la selle et pour la propagation de l’espèce. Une partie des Berbères nomades fait aussi métier d’élever des chameaux, se donnant ainsi une occupation qui est plutôt celle des Arabes. Les Berbères de la classe pauvre tirent leur subsistance du produit de leurs champs et des bestiaux qu’ils élèvent chez eux. Mais la haute classe, celle qui vit en nomade, parcourt le pays avec ses chameaux, s’occupant aussi de dévaliser les voyageurs."