Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/221

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çais que de les enrôler sous le même drapeau. Or, beaucoup d’Arabes ont servi dans les régiments d’Algérie, commandés par des sous-officiers et des officiers français. Ont-ils été francisés par ce contact de plusieurs années ? Nullement. Ils peuvent être soldats assurément, mais en déposant l’uniforme, ils se débarrassent du même coup de leur faible vernis européen.

Aussitôt libéré, dit l’auteur cité plus haut, notre turco s’est hâté de reprendre son burnous, il a repris le chemin de son douar ou de son village, il n’aime toujours que le couscous, il prendra autant de femmes qu’il lui en faudra et qu’il pourra en entretenir. Moralement, il estimera toujours qu’il n’y a qu’un seul Dieu qui est Dieu, et que Mahomet est son prophète, que les chrétiens sont des chiens, fils de chiens, que la femme est une bête de somme… Il est devenu aussi peu Français que possible. La plupart du temps il s’est assimilé quelque chose de nous, nos vices, hélas et, parmi eux, le seul des nôtres qui peut-être n’était pas le sien : l’ivrognerie.

L’opinion que je viens d’exposer sur l’impossibilité d’infuser aux Arabes d’Algérie notre civilisation, par nos méthodes d’éducation, ne m’est nullement personnelle. On la trouve répandue chez toutes les personnes ayant étudié l’Algérie, sans préjugés ni intérêt individuel, en un mot allégées de théories préconçues. J’ajouterai que cette opinion est également celle des Arabes les plus lettrés. Les avis que j’ai pu recueillir de musulmans les plus divers, depuis le Maroc jusqu’au fond de l’Asie, ont été unanimes. Tous considèrent que notre éducation rend les musulmans ennemis invétérés des Européens, envers lesquels ils ne professaient d’abord qu’indifférence. Les Arabes éclairés que j’ai consultés affirment sans exception que le seul résultat de nos essais éducateurs est de dépraver leurs compatriotes, de leur créer des besoins factices sans fournir les moyens de les satisfaire, en un mot d’assombrir leur sort et d’en faire des révoltés. L’instruction que nous nous efforçons avec tant de peine d’inculquer leur apprend la distance que nous mettons entre eux et nous. Chaque page de nos livres d’histoire enseigne à ces vaincus que rien n’est plus humiliant que la résignation sans révolte à la domination étrangère. Si l’éducation européenne se généralisait dans notre colonie méditerranéenne, le cri des musulmans algériens serait bientôt : L’Algérie