Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/236

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ments fondamentaux de toute culture sociale, la religion, les institutions et les arts. Loin de tendre à disparaître, leur influence grandit chaque jour et dépasse les limites atteintes aux époques splendides de leur puissance matérielle. Le Coran et les institutions qui en découlent sont si simples, tellement en rapport avec les besoins des peuples primitifs, que leur adoption s’opère toujours sans difficulté. Partout où passent les musulmans, fût-ce en simples marchands, on retrouve leurs institutions et leurs croyances. Aussi loin que les explorateurs modernes aient pénétré en Afrique, ils y ont trouvé des tribus professant l’islamisme. Les musulmans civilisent actuellement les peuplades de l’Afrique dans la mesure où elles peuvent l’être, étendant leur puissante action sur le continent mystérieux, alors que les Européens qui parcourent l’Orient soit en conquérants, soit en commerçants, ne laissent pas trace d’influence morale.


La conclusion de ce chapitre et des précédents est très nette. Ni par éducation, ni par les institutions, ni par les croyances religieuses, ni par aucun des moyens dont ils disposent, les Européens ne peuvent exercer d’action civilisatrice rapide sur les Orientaux, et moins encore sur les peuples inférieurs.

L’histoire récente du Japon ne saurait modifier aucune des conclusions qui précèdent. Ne pouvant traiter ici en détail ce cas particulier d’un peuple arrivé à un degré de civilisation déjà haute, qui paraît la changer pour une autre civilisation élevée mais différente, je me bornerai à une remarque essentielle. Par l’adoption en bloc des résultats de la technique européenne, le Japonais n’a transformé en réalité ni ses lois fondamentales, ni ses croyances, ni surtout son caractère. Il représente ce que serait un baron féodal revenu à la vie et auquel on apprendrait l’usage des locomotives et le maniement du canon. Sa mentalité se trouverait-elle beaucoup modifiée par cette éducation ? L’âme japonaise ne l’a pas été davantage, mais la variation apparente de la vie extérieure du Japon a dissimulé aux Européens la fixité de sa vie intérieure.

Quoi qu’il en soit, aucune des nations que nous essayons de coloniser ne possédait (quand nous l’avons conquise), une culture comparable à l’ancienne civilisation du Japon. Nous pouvons donc répéter que nos espoirs d’assimiler ou