Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/314

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nelle ce qui fut créé par la logique des instincts, est ne rien entendre à l’histoire.

Le mouvement révolutionnaire actuel n’est, comme tous ceux qui l’ont précédé, qu’une réaction d’instincts barbares aspirant à secouer le joug de liens sociaux assez affaiblis pour qu’on puisse espérer les détruire. Ce que beaucoup d’esprits aveuglés par des chimères, considèrent comme le progrès, est une simple régression vers des formes inférieures d’existence.

Toute civilisation implique gêne et contrainte. On ne devient même civilisé qu’après avoir appris à supporter cette contrainte et cette gêne. C’est en créant des freins sociaux puissants, que les peuples sortent de la barbarie, c’est en les laissant s’affaiblir qu’ils y retournent.

Les liens sociaux créés par la civilisation ne se maintiennent que par un constant effort. Une des grandes causes de décadence est de renoncer à l’effort, le croyant inutile.

Cette notion d’impuissance est surtout répandue dans les couches éclairées de la nation. Elles se résignent aux calamités sociales, comme on se résignait jadis à des épidémies, qu’une science soustraite au pessimisme, a fini par vaincre.

Le scepticisme indifférent, qui fait notre faiblesse, n’a pas du tout atteint les apôtres révolutionnaires. La confiance dans le succès est un des éléments de leur force.

Bien que la situation des travailleurs soit très prospère aujourd’hui, les doctrinaires les ont tellement persuadés de l’injustice de leur sort qu’ils ont fini par y croire. La véritable réalité des choses, c’est l’idée qu’on s’en fait.

Retournée progressivement aux instincts primitifs, la mentalité de l’ouvrier moderne est en voie de devenir celle d’un barbare.

La tâche sera lourde, de le ramener à la civilisation. Il faudra d’abord parvenir à lui démontrer la valeur respective de l’intelligence, du capital et du travail, puis lui faire saisir que l’ordre social nouveau offert comme un mirage à ses yeux, serait la misère pour les travailleurs. Mais où sont les maîtres capables d’enseigner ces choses ?


N’en possédant pas, ne pouvant s’appuyer sur une Université dépourvue de règles directrices, ni sur un gouvernement sans force, notre bourgeoisie doit compter seule-