Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/408

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— En quel pays sommes-nous donc ! s’écria Jean Carré d’une voix de tonnerre. Est-ce là le respect que l’on doit à un mort ?

Un des deux hommes qui traînaient le cadavre répondit :

— Celui que voici n’avait pas payé ses dettes avant de mourir. C’est pourquoi nous le traitons de la sorte. Cela s’est toujours fait, parmi nous, et cela se fera toujours. Les mauvais débiteurs sont comme la mauvaise herbe. Il ne suffit pas qu’ils meurent. Il faut que leur exemple ne puisse pas porter graine. Ce que vous voyez n’est rien encore. Lorsque nous aurons halé cet homme jusqu’à une carrière qui est là-bas, nous le couperons en morceaux aussi menu que chair à pâté, et, ces morceaux, nous les éparpillerons, pour qu’ils deviennent promptement la pâture des animaux sauvages et des oiseaux de proie.

— En Basse-Bretagne, grommela Jean Carré, c’est vous que l’on mettrait en pièces. À combien se montaient donc les dettes que ce malheureux a laissées après lui ?

— À cent francs.

— Eh bien ! les voilà, vos cent francs ! Au moins sa dépouille m’appartient-elle ?

— Oui, et libre à vous d’en faire ce qu’il vous plaira.

— Je la ferai enterrer pompeusement, afin de vous montrer, à vous autres Anglais, comment les Bretons traitent les morts.

Le roi était là qui écoutait, mais qui n’osait rien dire, ne voulant pas être désagréable à ses sujets, encore moins à son gendre.