Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/415

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L’un portant l’autre, ils traversèrent la mer brumeuse. L’homme surnaturel marcha sur les eaux trois jours et trois nuits. Le jour, une colonne d’écume blanche cheminait devant lui, pour lui montrer la route. La nuit, c’était une claire étoile.

La troisième nuit, il dit à Jean Carré :

— Reconnais-tu cette terre ?

— Oui, c’est celle où je suis né.

— Tu n’as plus besoin de moi. La grève commence ici. Ne t’attarde point. Rends-toi directement à Kerdéval. Tu y trouveras ta femme en train de se remarier avec le juif qui te jeta naguère à la mer. Ne coupe ni tes cheveux, ni ta barbe. Fais-toi embaucher parmi les serviteurs de la maison, pour n’importe quelle besogne. Je sais que l’on est en quête d’un fendeur de bois. Tu pourras te proposer comme tel. Et maintenant, avant que je t’abandonne à ton sort, dis-moi, Jean Carré, aurai-je le droit, si on me le demande, d’affirmer que je t’ai rendu service ?

— Tu as le droit de le proclamer en tout lieu. Moi-même je n’y faillirai point.

— Béni sois-tu pour cette parole ! Elle m’ouvre le paradis. Je suis le mort dont tu payas jadis les dettes et à qui tu fis donner la sépulture. À mon tour, j’avais contracté une dette envers toi. Tu m’as délivré quittance. Je suis désormais sauvé. Bon voyage, Jean Carré, et merci !

— C’est à moi de te remercier ! s’écria Jean Carré, mais il n’y avait déjà plus sur la grève que lui et son ombre que la lumière de la lune découpait sur le sable.

Pour arriver plus vite à Kerdéval, il prit un sentier