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EN BASSE-BRETAGNE

de traverse. La porte du manoir était encore close. Il dut attendre, assis sur les marches du seuil, que l’aube se fût levée, et, avec l’aube, les servantes.

— Excusez-moi, dit-il alors, je suis un homme de bonne volonté. Je suis prêt à accepter beaucoup de travail en échange d’un peu de pain.

Il s’adressait en ces termes à sa marraine. Il la reconnaissait bien, mais elle ne pouvait le reconnaître, à cause de ses cheveux qui lui pendaient dans le dos et de sa barbe qui s’étalait sur sa poitrine. D’ailleurs, la vue de la vieille avait baissé, par l’effet naturel de l’âge et aussi parce qu’elle n’avait cessé depuis la prétendue mort de Jean Carré de verser sur lui d’amères larmes.

— Entrez, brave homme, dit-elle. Savez-vous fendre le bois ?

— Vous en jugerez, si vous m’employez.

— Vous allez d’abord manger une écuellée de soupe, puis vous vous rendrez à la forêt que vous voyez là-haut, sur le penchant de la montagne. Vous y trouverez des troncs abattus. Vous en ferez des bûches. On signe ce soir le contrat de ma filleule. Je voudrais que vous eussiez fendu assez de bois pour le feu de joie qui doit précéder la cérémonie.

— Reposez-vous-en sur votre serviteur. Vous serez satisfaite de lui.

Voilà Jean Carré d’avaler sa soupe et de partir pour la forêt.

Quand il se fut éloigné, la vieille marraine dit :

— À en juger d’après sa longue barbe, ce doit être quelque ermite qui s’est condamné, par esprit de mor-