Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/419

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riage que sa femme avait pieusement conservé dans son armoire en souvenir de lui.

Comme bien vous pensez, le juif n’était au courant de quoi que ce fût. Il surveillait dans la cour les apprêts du feu de joie, donnant des ordres à chacun, du ton insolent d’un parvenu, et se carrant déjà dans son orgueil de futur maître de la maison.

Sans cesse arrivaient des voitures, bondées de parents, éloignés ou proches. Le juif les recevait à mesure, s’empressait, faisait l’aimable. Les gendarmes du chef-lieu de canton étaient là aussi ; on les avait convoqués, un peu pour assurer l’ordre, mais surtout pour rehausser l’éclat de la cérémonie nuptiale qui devait se célébrer le lendemain.

Soudain, on vit descendre la princesse. Elle prit à part le brigadier et lui chuchota quelques mots à l’oreille.

C’est entendu ! répondit le chef des gendarmes.

Et il commanda de mettre le feu au bûcher.

La flamme s’éleva, pétillante et claire. À ce moment, Jean Carré apparut, tenant son fils par la main, et suivi de sa marraine. Ce fut un vrai coup de théâtre. Le juif était devenu couleur vert-chou. Deux gendarmes l’empoignèrent par sa veste et le précipitèrent dans le brasier. Il y flamba comme une simple allumette.

Les invités ne perdirent rien à cela. Au lieu d’une noce, ce fut un retour de noce. Au lieu d’un repas, il y en eut vingt. Huit jours durant, les broches tournèrent, les tonneaux coulèrent, les gens mangèrent, burent, se vidèrent et recommencèrent. Il n’y eut