Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/94

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Et il fit comme il disait.

Pour arriver au bourg de Penvénan, il avait à passer Barr-ann-Heöl[1], et vous savez que c’est un mauvais endroit. Il est de tradition dans le pays qu’une « groac’h ». y guette, à l’angle de deux routes, les gens attardés. Nombreux sont ceux qui, par elle, ont été traités de vilaine façon. Un peu avant de parvenir à cet endroit, Jozon Briand eut soin de tirer ses sabots et de marcher nu-pieds, afin de n’éveiller point l’attention de la « vieille. »

Déjà il avait laissé à quelques pas derrière lui la borne de pierre blanche sur laquelle était d’ordinaire assise la fée malfaisante de Barr-ann-Heöl, quand il croisa quatre hommes portant un cercueil[2].

— Que veut dire cet enterrement de nuit ? pensa Jozon.

Il eut d’abord l’idée d’arrêter les porteurs et de les interroger, mais réflexion faite, il préféra se ranger dans la douve, sans leur adresser la parole.

Au bourg, il trouva la « buraliste » encore sur pied, acheta sa provision de tabac, et s’en revint chez lui. Au retour comme à l’aller, il put passer Barr-ann-Heöl sans encombre. La « groac’h » était sans doute occupée ailleurs. En arrivant à l’avenue d’ormes qui conduit de la route au manoir de Kermaquer, il ne fut pas peu surpris de voir la barrière grande ouverte ; il était sûr de l’avoir fermée derrière lui, lors de son

  1. Abondance-de-soleil.
  2. Cf. P. Sébillot, Traditions et Superstitions de la Haute-Bretagne, I, p. 212 et seq. — [L. M.]