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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/256

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AUX VEILLÉES DE NOËL

pour des vieilles du pays de San-Thégonnek, enveloppées des longues mantes à cagoule qui servent dans les deuils et par les grands froids.

Qui sait si elle n’était pas là, au milieu de ce monde exotique, sa Glaudinaïk du Mezou-brân ? Il aurait juré qu’elle allait se lever tout à l’heure, la messe finie, et sortir avec lui, fine et svelte, légèrement rougissante sous sa coiffe de dentelle, la coiffe des filles de Quimerc’h aux ailes éployées. On suivrait ensemble les chemins boueux, enjambant les flaques, avec de bons rires où sonnerait l’amour ; ensemble aussi l’on s’attablerait dans la cuisine de la ferme, pour le réveillon commun, et ce serait une veillée exquise en l’honneur du dieu Jésus qui vint au monde salué par des pâtres…

Mais Glaudinaïk ne se leva pas ; ce furent les Arabes qui franchirent le seuil derrière lui, en le regardant de leurs yeux vifs, pétillants de haine. Dehors, c’était le même ciel immense de lave refroidie, où passaient, non plus les rafales mouillées de tantôt, mais des souffles aigres de bise qui vous coupaient la face.

Et il sentit qu’elle était loin, la tiédeur qui passe sur l’aile des vents de Bretagne, même au cœur de l’hiver.

Il remonta vers la caserne, vers la gouailleuse chambrée, la tête vide et sonnant creux, l’âme tout endolorie…

— Voilà ! dit-il en terminant… Pour parler comme mon frère l’abbé, ce n’est peut-être pas très orthodoxe… mais, de cette messe de minuit, je me souviendrai à tout jamais.

Puis, se tournant vers sa jeune femme assise sur le banc du lit, à gauche de l’âtre, auprès des servantes :

— En aucune circonstance, Glaudinaïk, pas même au