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DE LA VIE DE MAHOMET.

et mis dans le cercueil, vous poserez mon corps sur le bord de la fosse que vous creuserez à la place où je suis. » Ces devoirs remplis, vous sortirez et vous me laisserez seul. Le premier qui viendra prier pour moi, sera Gabriel, mon fidèle ami. Michel et Asraphel le suivront. L’ange de la mort, accompagné de ses légions, priera ensuite auprès de mon tombeau. Les autres anges, à la tête des milices célestes, fermeront la marche. Lorsqu’ils m’auront rendu ces derniers devoirs, vous entrerez par troupes, vous prierez pour moi, et vous me souhaiterez la paix. Ma famille mènera le deuil, et sera suivie du reste des fidèles. Mais, je vous en conjure, qu’aucunes plaintes, qu’aucuns gémissemens ne viennent troubler mon repos. Quant à vous qui entourez mon lit, dès ce moment je vous donne la paix. Je vous prie de la souhaiter en mon nom à mes compagnons absens. Je vous prends à témoin que je la souhaite à tous ceux qui embrasseront l’islamisme jusqu’au jour de la résurrection. — A qui sera-t-il permis de descendre dans votre tombeau ? — A ma famille. Vous y serez environnés d’anges qui vous verront, quoique vous ne puissiez les apercevoir. »

C’est ainsi que Mahomet, luttant contre la mort, soutenait jusqu’au dernier moment le rôle de prophète, qu’il avait commencé à quarante ans : c’est ainsi que maître de son âme au plus fort de la douleur, comme il l’avait été au milieu des combats, il accomplissait avec une présence d’esprit étonnante la dernière scène de la vie humaine. Toutes ses paroles étaient mesurées sur l’idée qu’on devait avoir de lui. Dans ces momens où la faiblesse humaine est accablée sous le bras terrible de la mort, il recueillait toutes les forces de son intelligence pour ne rien dire qui fût indigne du caractère auguste qu’il s’était imprimé. Un seul instant son esprit égaré par la violence du mal se perdit dans les espaces imaginaires. « Apportez-moi, s’écria-t-il, de l’encre et du papier, afin que j’écrive un