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ABRÉGÉ

livre qui vous empêchera de retourner jamais à l’erreur[1]. » Le prophète est dans le délire, dirent les plus sages. N’avons-nous pas le Coran ? Ce livre divin nous suffit. D’autres voulaient qu’on le satisfit. On disputait avec chaleur. Le bruit le rendit à lui-même. « Retirez-vous, dit-il aux assistans ; il n’est pas bienséant de disputer devant un prophète. »

Le malade recevait de fréquentes visites. Ses parens, ses amis, les premiers de la ville se rendaient en foule dans son appartement. Ce concours l’importuna. Sentant que sa tête s’affaiblissait, il feignit d’être profondément occupé des idées éternelles, et défendit de laisser entrer personne. Aïesha eut seule la permission de rester auprès de lui. Sûr de son affection, il craignit moins de laisser échapper quelque faiblesse devant elle. C’est de cette épouse aimée que nous tenons les dernières circonstances de sa vie. En voici une des plus remarquables. Les trois derniers jours de sa maladie, Gabriel lui rendit de fréquentes visites[2]. Il lui demandait familièrement des nouvelles de sa santé. Le lundi, jour où il termina sa carrière, l’ange de la mort se présenta à la porte. Gabriel l’apercevant, dit à son ami : « Voilà l’ange de la mort[3] qui demande la permission d’entrer[4] — Tu es le premier des mortels pour qui il ait eu cette déférence. Il ne l’aura pour aucun autre. » « Qu’il entre, » répondit Mahomet. Le messager terrible entra ; mais quittant son air menaçant, il dit : « O apôtre de Dieu ! ô Ahmed ! l’Éternel m’a envoyé vers toi. Il m’a ordonné d’exécuter tes volontés. Soit que tu me commandes de


  1. Abul-Feda, pages 102 et 136.
  2. Elsohaïl.
  3. Idem.
  4. Il est parlé de cet ange redoutable dans le Coran. « L’ange de la mort qui veille sur vos démarches, tranchera le fil de vos jours, et vous reparaîtrez devant Dieu. » Le Coran, chap. 32, tome 2.