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ABRÉGÉ

repas fini, Mahomet voulut les entretenir, il commençait à leur parler de sa nouvelle doctrine, lorsqu’Abulahab, peu satisfait de cette réception, l’interrompit : « C’est trop long-temps retenir vos hôtes, lui dit-il malignement ; n’abusez point de leur complaisance. » À ces mots l’assemblée se sépara. Ce contre-temps ne découragea point Mahomet. « Avez-vous vu, dit-il à Ali, comme Abulahab m’a coupé la parole ? Mais préparez un semblable repas pour demain, et invitez les mêmes convives ». Ali exécuta ces ordres. La famille d’Abd-elmotalleb se rendit à l’invitation. À peine le repas fini, Mahomet leur parla en ces termes : « Jamais mortel n’offrit à sa nation un bien aussi précieux que celui que je vous apporte. Je vous offre le bonheur dans ce monde, et la félicité dans le ciel. Dieu m’a commandé de vous appeler à lui. Qui de vous partagera mon emploi, et sera mon visir[1] ? Qui de vous veut être mon frère, mon lieutenant et mon calife[2] » ? Les convives étonnés gardaient le silence. Aucun d’eux n’osait se déclarer. Ali indigné se leva, et dit : « O prophète ! ce sera moi. Je partagerai tes travaux, j’arracherai les yeux de tes ennemis ; je leur briserai les dents et leur fendrai la poitrine[3] ». Ce zèle peu mésuré, ne déplut point à Mahomet. Il embrassa Ali, et dit,


  1. Visir vient du mot arabe ouzir, qui signifie conseiller. Ali fut le premier qui porta ce titre que les Ottomans donnent au premier officier de la couronne.
  2. Calife vient du mot kalef successeur. C’est le titre que prirent ceux qui succédèrent à Mahomet. Ali, malgré son adoption, n’obtint le titre de calife qu’après Abubecr, Omar et Otman. Cette injustice a élevé un schisme entre les Perses et les Turcs. Les Perses regardent les trois premiers successeurs de Mahomet comme des usurpateurs, et n’accordent qu’à Ali le titre de calife. Les Ottomans soutiennent le contraire. De là ces guerres sanglantes qui ont déchiré les deux empires.
  3. Abul-Feda, page 19.