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DE LA VIE DE MAHOMET.

que le bruit des marteaux, les cris des travailleurs[1]. Le sol était pierreux et difficile à creuser. Une roche fort dure résistait aux attaques des pionniers, et rebutait leur constance. Mahomet, s’apercevant de leur découragement, prit de l’eau dans sa bouche, et en répandit sur la pierre ; elle s’amollit, et céda aux coups redoublés des marteaux. Les Musulmans crièrent miracle, et attribuèrent à la vertu de cette eau merveilleuse un succès qu’ils devaient à leurs nouveaux efforts. Tel Annibal, se frayant une route à travers les Alpes, ranima le courage de ses soldats, en faisant répandre du vinaigre sur le rocher qu’il voulait percer. Partout le grand homme est le même ; partout il aplanit les obstacles sous ses pas, et fait céder la nature à ses efforts. Le charme invincible qu’il emploie pour produire des prodiges, est l’assurance du succès dont il enivre les cœurs des mortels. Pendant que les habitans de Médine, animés par l’exemple de leur chef[2], travaillaient malgré l’ardeur d’un soleil brûlant, pour opposer une barrière à leurs ennemis, une autre merveille fixa leur attention : Salman s’efforçait de briser une roche énorme ; Mahomet, lui prenant le marteau des mains, en frappa trois fois la pierre ; il en jaillit trois éclairs. « Que signifient ces éclairs ? » lui demanda le Persan. « Le premier, répondit le prophète, m’apprend que Dieu soumettra à mes armes l’Arabie Heureuse ; le second m’annonce la conquête de la Syrie et de l’Occident ; le troisième, la conquête de l’Orient[3]. » Cette explication est aussi bonne que celle de ce conquérant, qui, étant tombé par terre en débarquant sur le


  1. Abul-Feda, p. 74.
  2. Si l’on en croit le récit des auteurs mahométans, leur apôtre nourrit tous les travailleurs avec un panier de dattes qui multiplièrent miraculeusement entre ses mains. Une autre fois il leur donna à souper avec un agneau rôti et un pain d’orge. Plus de trois mille hommes furent rassasiés.
  3. Abul-Feda, p. 75.