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— Eh ! bien ! sans doute. Espèrent-elles trouver mieux ?

« Mais Jeanne est encore très jeune et ne peut accepter la pensée de se séparer de moi… »

— Connu ! connu !… Ah ! le pauvre jeune homme ! Comment lui annoncer ?… Il faudra que je lui cherche vite une autre femme ! Elle ouvrit la lettre de Frumand, et en la lisant, effet inattendu, sa physionomie se dégagea :

— Allons, dit-elle, c’est complet ! lui-même se retire ! Quelles drôles de gens !

Mme Magnin, dans ses petites combinaisons, n’aimait que les succès. Quant aux affaires tournant mal, elle s’en dégageait à la hâte en ayant soin de mettre à couvert sa responsabilité.

— D’abord, pensa-t-elle, je ne m’étais pas trompée ! Ils se convenaient. Et la preuve, c’est qu’ils refusent ensemble, au même instant. Ce qui montre bien la communauté d’idées… Et puis, c’est Rodolphe qui avait lancé l’affaire !… Je vais lui écrire de suite pour lui dire que son plan n’a pas réussi… Rodolphe n’est pas né chanceux. J’aurais dû m’en défier…

Elle mit sous une seule enveloppe les deux lettres qu’elle venait de recevoir, en écrivant au-dessous : « Prière de renvoyer. » Elle ajouta trois lignes :

« Mon cher Rodolphe, je regrette que votre combinaison ait échoué. Les apparences vous donnaient raison. Mais l’expérience m’a appris qu’on n’était sûr de rien avec les originaux. »

Et, trouvant qu’elle avait suffisamment rejeté sur d’autres la responsabilité de ce petit échec, Mme Magnin mit l’adresse et pensa à autre chose. On venait de sonner. Elle avait en train plusieurs projets pressés. Il eût été fou de s’arrêter d’avantage au dossier d’Oyrelles-Frumand qui portait le numéro 295.

— 295, dit-elle,… affaires sans suite.

Elle le porta au chiffonnier, donna un tour de clef, et pressa son timbre électrique pour donner ordre d’introduire une autre cause.

On a beau être philanthrope, on ne peut pas faire le bonheur des gens malgré eux ! Il y a des enragés qui sont rebelles au bonheur, même à celui qu’on voudrait leur mettre tout fait dans la main ! Jeanne d’Oyrelles était évidemment de ceux-là, car elle avait résisté avec une vivacité primesautière au projet de mariage que sa mère lui avait transmis en revenant de Chanteloup.

M. de Frumand, dites-vous ?… Jamais, ma pauvre maman.

Puis elle avait fondu en larmes, en cachant sa tête dans les bras de Mme d’Oyrelles.

Sans doute la pauvre enfant avait eu d’autres espérances, car elle montrait un trop grand chagrin, une trop claire déception.