Page:Le Correspondant 114 150 - 1888.pdf/543

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ce que pense de moi votre amie. Et… je ne suis pourtant pas un fat, mais laissez-moi vous l’avouer, il me semble que je ne lui déplais pas absolument. Est-ce de la sympathie ? Je me persuade qu’il y a entre nous une sorte d’entente.

Il attendait évidemment de ma part quelques mots le confirmant dans cette pensée et il ne m’eût pas été très difficile de les prononcer, car j’avais fait exactement la même observation, mais je ne pouvais me résoudre à l’avouer.

— Je n’ai rien remarqué, lui dis-je, cependant puisque vous le voulez, je tâcherai de savoir quel est le sentiment de Marguerite à votre égard.

— Vous êtes mille fois bonne. Vous ne savez pas à quel point je serai heureux si vous m’apportez la nouvelle que mon cœur désire…

— Que dites-vous donc là de si intéressant que vous en oubliiez l’heure et l’obscurité ? dit une voix joyeuse sur le seuil de la porte de la bibliothèque brusquement ouverte et gaiement éclairée. Et dans la baie de lumière, la silhouette de Marguerite se dessina, svelte et gracieuse dans sa robe de deuil.

— Ah ! répondit Armand en allant à elle. Pour le savoir, venez ici et soyez un peu des nôtres ; on cause si bien dans le demi jour.

Il l’avait prise par les mains et cherchait à l’attirer.

— Non, répondit-elle en riant ; tout paraît triste dans cette pièce sombre. J’aime la lumière.

— Alors c’est nous qui irons à toi.

Et je passai vivement mon bras sous le sien. Mais sans doute mon visage lui parut troublé.

— Qu’as-tu donc ? demanda-t-elle surprise.

Je mis la main sur mes yeux, feignant d’être éblouie.

— C’est le brusque éclat de cette lumière, lui dis-je. Faisons un peu de musique, veux-tu ?

— On me permet d’écouter ? dit Armand.

— On vous permet toujours tout, répondit Marguerite en ouvrant le piano.

Je sentis le regard d’Armand qui cherchait le mien, un regard de confiance et de joie qui semblait noter au passage le léger encouragement et voulait échanger entre lui et moi une douce entente. Mais il m’était trop dur d’y répondre et, détournant la tête, je me mis à chercher dans le cahier de musique le morceau désiré.