Page:Le Disque vert, année 1, n°1 et 2, mai-juin 1922.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


j’ai tout le nécessaire : une seule paire, il est vrai, de chaussures de ville, mais deux de grosses bottines ferrées, pour la montée ; manteau où je puis m’envelopper dans ma chaleur naturelle, joie de la terre dans le cœur.

je suis toujours à me changer. À m’arranger, tant j’ai de respect à entrer dans un ciel si virginal.

Nous avons tout le nécessaire pour voir l’univers, nous, habitués trembler

J’ai dit à ma femme : On m’a prêté une villa, ne nous perdons pas à raisonner.

Et à Chicco : sur la montagne on doit aller avec papa. Et Gioietta : Ah ! papa...

En revenant le soir, mon pas, seul, frappe le raidillon gelé ; fenêtres rustiques couvertes de givre, dans les chambres pleines d’air chacun déjà c’est installé son lit, Tout autour, campagne condamné à mort dans l’atonie immobile et résignés.

Mais d’ici, comme elle est vive et douce la nuit hivernale ! Des trams actifs, entre les maisons, tissent des écheveaux de lumière ; et le train qui haletait là derrière, entre de sombres murailles de maisons. le voilà, troué de feu, qui conquiert libre chemin dans sa ligne droite champêtre, étend ses bielles nerveuses, double plastiquement la boucle du chemin avec les trois rubis de sa queue agile.

Sous les yeux bovins de trois globes très élevés, un village de cent feux étale des fours allumés et vernit d’une fumée noire le ciel lunaire. et la ville éloignée exhale sa phosphorescence artificielle : la ville somptueuse et confortable dont les foyers chauffent mille claqué dents et qui a un médecin à chaque coin de rue.

Au-delà du tournant, rien d’autre que le tremblement de la constellation retenue dans les griffes du tilleul spectral. Mais il pâlit : combien d’heures de lumière encore ?

La montagne : deux tas nus déchargés par le géant ; et le grand visage jaune de la villa imprimée à l’éclairage de la lune.

En me promenant le matin.

Les arbres : comme ils pointent avidement sur le ciel les restes décharnés de leurs ramures !

Seuls, les cyprès voluptueux agitent leurs longs cous sous des fourrures bleues. Les aubiers étirent leurs gros doigts tordus ; la vigne révèle ses enlacements féminins, le parasitaire sa racine anémique.

Le gel infatigable. avec sa levée nocturne et stridente, veut effriter les gros tas de pierres branlantes.

Ce petit fil vert, quel cri aigu au fond du sillon !

Un piétinement, par toute la colline, de gens armés et courageux contre le petit oiseau, s’il s’écarte des autres, épuisé, s’il s’abaisse confiant en voyant de la terre plantée d’arbres et la maison ; l’un feint de l’accueillir en l’appelant d’un sifflement trompeur et s’il s’échappe soupçonneux et qu’il évite le crible de la décharge de plomb, il le ren-