Page:Le Franc - Le destin - nouvelle canadienne inédite, Album universel, 25 août 1906.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

désir insensé de poser un instant sa tête sur cette épaule montait en elle. Elle aurait bien crié :

— Maurice, taisez-vous. Laissez-moi vivre ces moments près de vous, en silence, et croire que le rêve ancien se réalise…

Soudain, la porte s’ouvrit sous la main de Kate, qui feignit de ne pas voir Andrée :

— Il est une heure. Monsieur, faut-il servir ?

— Vous allez dîner ici, n’est-ce pas, Andrée ?

— Non, dit-elle, je suis attendue en ville.

Elle ne se sentait pas le courage de continuer à soutenir l’épreuve. Elle luttait contre le sentiment qui, d’une progression sûre, venait reprendre sa place dans son cœur et repousser le souvenir de Lucien.

— Je regrette, fit-il… Ce soir, êtes-vous libre ? Voulez-vous venir souper avec moi ? J’ai affaire au dehors, mais j’espère être rentré vers cinq heures.

Elle inclina la tête, songeant qu’elle aurait vaincu sa folie passagère, qu’elle serait plus forte, que la crise serait passée.

Il vint la reconduire et comme sur le seuil de la porte il l’appuyait un instant contre lui et disait : Vous souvenez-vous, Andrée ? en montrant d’un geste attristé l’acacia au pied duquel ils s’étaient assis cinq années auparavant, elle entoura son cou de ses bras tremblant…

— Je vous aimais tant, Maurice, murmura-t-elle.

C’était l’excuse de sa faiblesse.


V


Dans l’après-midi, elle sonnait de nouveau à la porte, Maurice lui-même vint ouvrir.

— Ma Pauvre Andrée, quel contretemps, dit-il en lui mettant sous les yeux une dépêche qu’il tenait à