Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
29
visages de montréal

concertés longuement la nuit précédente, dans l’élaboration d’un programme. Ils avaient réglé ensemble cette fête du printemps, ciselé ce joyau vert, bleu et or. La préoccupation de bien faire les avait tenus éveillés, et chaque fois qu’il allait s’endormir, son oreille s’ouvrait à un remuement des feuillages nerveux qui se retournaient d’un côté sur l’autre, à un craquement des rives sous les soubresauts du lac.

La fatigue tirait ses traits. À présent que tout allait à merveille, il abandonnait son rôle actif pour retourner à la sérénité coutumière de son cadre. Sa connaissance de ce qui l’entourait lui donnait un air de sagesse et de désintéressement supérieurs à notre avidité. Lui savait que nous étions à la poursuite d’une impossible harmonie. Notre durée serait inférieure à celle des choses. Assis à l’arrière de la barque, il couvrait d’un peu de pitié cette batelée de rêveurs insatiables qui ne laissaient après eux qu’un sillage que Blue Sea effaçait en silence.

Pendant que le seigneur, à l’aise dans sa robe de chambre monastique, les pieds dans des pantoufles indiennes bariolées, demeurait au coin du feu à écouter le tic tac de sa maison, nous sortîmes, bien qu’il fût après minuit, et que les bois lourdement endormis nous couvrissent dès le seuil