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marie le franc

teau de satin avait l’air d’une bâche qui les retenait tous. On lui avait montré comment faire frein dans les tournants, en laissant pendre un pied en arrière. Elle riait d’un rire presque convulsif. La plume de son chapeau se couchait sur les gros manteaux de laine à ceinture rouge des petits. Et comme elle était consciente qu’il fallait, tout en s’amusant si fort, gagner son argent, elle criait d’une voix étranglée par les embruns de neige soulevés dans la glissade quelques mots d’un français haletant. Le fox suivait en aboyant. Une fois, il s’empara du manchon de Mademoiselle. Un manchon était bien embarrassant sur un toboggan. Mais à cause des gants de fil gris… Et puis chacun d’eux y glissait à tour de rôle les mains et cela leur donnait le sentiment d’une délicieuse communauté à trois, dans le domaine nu de la montagne. Le fox eut l’air de s’offrir à porter le manchon. Elle n’eut pas de méfiance. Il refusa de le rendre. Il se mit à jouer avec, à le secouer, à le mordiller, à le déchiqueter. Chaque fois qu’on tentait de s’approcher, il se sauvait plus loin. Jamais les deux enfants n’eurent tant de plaisir ! Elle riait aussi, jusqu’à en avoir les larmes aux yeux. Puis elle finit par se tapoter les mains, comme si elle applaudissait, d’un applaudissement mou qui s’entendait mal dans la neige. On jeta par-dessus la grille du réservoir le manchon in-