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visages de montréal

lire et ont besoin de propos de table, des commentaires sur les événements du jour.

Une fois entrée dans l’intimité des gens, elle se laissait aller, en parlant du prince, à l’appeler M. le Marquis du Tracy. Car il était autant que prince russe marquis français. Elle ouvrait la porte aux questions. Mais oui, il était né en France, d’un père français, officier dans l’armée. Sa mère descendait d’une grande famille slave. À la suite d’un mariage malheureux, il était parti pour la Russie. La vieille princesse Stépanovski en avait fait son fils adoptif et son héritier. Pressentant la débâcle, elle avait réussi, avant de mourir, à mettre sa fortune à l’abri en Angleterre. Cette fortune se trouvait en ce moment dans les coffres de la Bank of England à Londres.

Lorsque Mlle de Chantenay racontait l’histoire en présence du prince, elle s’arrêtait aux coffres de la Bank of England, comme si elle eût oublié par quelle combinaison de chiffres on les faisait ouvrir, se tournait vers lui :

— C’est bien cinq millions or, n’est-ce pas ?

Car il lui arrivait de confondre ces millions avec ceux d’une autre succession au sujet de laquelle il était en ce moment en procès.

— Parfaitement !

— Alors ?… disait timidement quelqu’un qui