Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/191

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tout, les relâches dans les fiords, où on livrera la première pèche aux « chasseurs ». Le séjour dans ces fiords, désignés à l’avance par l’armateur, dure quelquefois plus d’une semaine. On en profite pour renouveler la provision d’eau douce, réparer les avaries, écrire au pays, enfin binicasser.

Binicasser ? Ne cherchez pas. Binicasser est un verbe qui n’a pas encore ses droits d’entrée à l’Académie et dont l’étymologie est assez mal connue d’ailleurs. L’abbé Gicquello le fait dériver de Binic, petit port breton qui arme pour la morue. Du moins, le sens du mot est il parfaitement clair. Dix, quinze goélettes sont souvent réunies dans le même fiord ; les amis, les originaires d’une même commune se visitent d’un bord à l’autre et, pour égayer la partie de bavette, emportent avec eux l’eau-de-vie qu’ils ont économisée à cette intention, deux mois durant, sur leur ration quotidienne. Merveilleuses saoûleries ! D’un pochard qu’on ramène à son bord, couché au fond du canot, les Islandais disent avec admiration :

— Celui-là, aussi donc, il a fameusement binicassé !…

Quelquefois même on descend à terre.

Elle n’est pas très gaie, cette terre d’Islande, dont les petits bœrs trapus, sur leur toiture de planches et de tourbe, font flotter au printemps de véritables prairies. Cinq fois sur douze, la neige y endort toute vie. Quand elle se décide à fondre, c’est pour découvrir de grands steppes nus, au pied de collines de lave