Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/210

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regard qu’un grand carré lumineux que le soleil découpait comme à l’emporte-pièce dans les falaises crayeuses du Sussex. Mais, quand ce point de repère nous eût manqué, les approches de la terre se fussent révélées à la multitude de navires qu’on apercevait de toutes parts. Le paysage se précisa au bout d’un mille ou deux. L’hélice de la Columbia battait une eau légère et comme nacrée. Le ciel était lui-même de ce joli gris d’argent qui prête à certaines matinées d’août une délicatesse incomparable. Nous entrions dans la grande rade foraine de Spithead et, sous cette aube adolescente, par ce calme du ciel et de la mer, les rades côtes du Sussex et du Hauts s’habillaient d’un gaze multiforme et multicolore, d’une ondoyante gaze rose, orange et lilas, qui jouait autour d’elles, se déchirait et se renouait instantanément.

— Mais c’est copié de la Loïe Fuller, cet effet-là, fit remarquer quelqu’un.

Copié ou non, l’effet était ravissant. Nous étions vraiment sous le charme : il fallut pour le rompre l’apparition brusque, sur la mer, de trois massives bastilles, quadrillées de noir et de blanc et toutes hérissées des pieds à la tête de longues caronades d’acier poli qui les faisaient ressembler à de grandes pelotes d’aiguilles ou encore à de monstrueux oursins. Je doute pourtant que ces façons d’épouvantails, coulés en béton sur les basses de Portsmouth, soient aujourd’hui de quelque utilité pour nos voisins : Portsmouth a d’autres défenses dans sa flotte, ses forts intérieurs et son lacis de torpilles sous-marines. Les Anglais n’en font pas moins état de ces trois tours blindées