Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

parfaitement lisse. Vers l’ouest seulement, les plans lointains d’une ligne de coteaux s’étagent dans la brume. Un coude de la voie nous en rapproche. Ces coteaux sont des mornes crayeux, percés de longues galeries souterraines pour l’extraction de la marne, fourrés d’un gazon sale et loqueteux qui se déchire par endroits et que tachettent des genévriers noirs. Et cela aussi est bien normand. Eastleigh, Chaudlers-Ford, Romsey, Dumbridge, Dean : des bruyères rampent sur le sol, coupées de taillis, de boqueteaux. Le gibier abonde par là. Tout le long de la voie, ce ne sont que faisans qui picorent ; des lièvres détalent ; près d’un talus, des lapins en cercle tiennent un meeting.

À Salisbury, changement de voie.

Nous avons une heure et demie pour visiter la ville. Bonne affaire. Non que Salisbury ait grand caractère. Mais deux choses la signalent : sa cathédrale, en marbre de Purbeck, et les admirables alignements de Stone-Henge, propriété de la famille Antrobus, dans lesquels sir Norman Lockyer veut voir un ancien observatoire astronomique.

C’est le Carnac anglais : cent quarante-quatre pierres levées ! Le diable, dit-on, les portait sur son dos dans une hotte. Il les avait chargées en Irlande, quand la hotte creva : les énormes blocs roulèrent sur le sol : l’un d’eux glissa dans l’Avon, près d’Amesbury…

La légende n’est point neuve, mais elle a le mérite de cristalliser sous une forme populaire et concrète les renseignements de l’histoire : l’Irlande a été le grand séminaire des races celtiques, le laboratoire spirituel