Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/357

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l’avait trahi ; la blanche Genièvre se fanait dans un cloître ; Merlin, l’éternel révolté, dans les futaies de Brocéliande, dormait prisonnier de Viviane. Et voici qu’Escalimbor lui semblait lourde et que des frissons étranges, des « frissons noirs », couraient sur sa lame. Il la leva une fois encore ; mais elle retomba sans avoir frappé, et il connut que c’était la fin. Alors il appela son écuyer Bédivère et, comme ses blessures l’épuisaient, il lui commanda de prendre Escalimbor et de la jeter, la pointe haute, dans la mer. Bédivère hésitait. « Pitié ! » disait-il au roi, et le roi dut le menacer pour qu’il exécutât son ordre. Bédivère obéit enfin ; il se signa au front, aux paupières et à la bouche avec la garde de l’épée, puis, fermant les yeux, il la lança devant lui. Et, comme elle décrivait sa parabole, une main sortit de la mer, saisit l’épée par la poignée, la brandit trois fois et s’enfonça sous les eaux.

L’épée disparut et, penchée sur l’abîme, l’Âme celte attend depuis lors, depuis douze cents ans, qu’elle resurgisse des fonds mystérieux du Passé.