Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et soutenu plus longtemps leurs mystifications. Toute l’épopée de la Table-Ronde est une gigantesque — et délicieuse — calembredaine historique : du vaincu des Saxons, de l’éternel fuyard que fut le petit chef cambrien Artur, nos harpeurs de lais font tout simplement le conquérant du monde. Ainsi l’âme bretonne, dans le rêve, sut toujours prendre sa revanche des amertumes de la réalité. Sautons quelques siècles. Négligeons le pseudo-Nennius et son roman de Conan Mériadec, les Triades, fortement retouchées et arrangées par les diascévastes gallois, le Cyrinach beirdd ynys Prydain (Mystère des bardes de l’île de Bretagne) dont la plupart des textes sont apocryphes… Voici Macpherson qui exhume tout-à-coup, en 1765, le manuscrit « authentique » des poésies d’Ossian, barde écossais du IIIe siècle. Enthousiasme universel ! Homère, à côté de cet Ossian, n’est plus qu’un grimaud de lettres. Cinquante années durant, l’ossianisme sévit sur la littérature anglaise, allemande, française, et, longtemps encore après que la supercherie fut découverte, Fingal et Oscar continuèrent d’obséder nos Baour-Lormian.

Je ne serais pas étonné, d’ailleurs, que Macpherson ait été sa première dupe et ait fini par croire à la réalité des mirages qu’il suscitait : l’auto-suggestion est fréquente en littérature et spécialement chez les Celtes. C’est en quoi nous nous distinguons des Méridionaux, de qui M. Francis Chevassu a dit finement que, « même quand ils sont transplantés, la chaleur emmagasinée dans leurs veines par des générations d’ancêtres et qui pour eux colore les choses ne les