Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/51

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nachanai, l’un qui a conservé intacte sa tour à poivrière, l’autre sa galerie et son portique d’entrée, splendide spécimen de l’architecture du XVIe siècle.

Guernaham et Guernachanai reviennent fréquemment dans les récits de Luzel. Guernaham, qui relevait de la seigneurie du Vieux-Marché, passait pour hanté : le diable y menait son sabbat ; Guernachanai possédait une auge merveilleuse, une auge large et profonde comme un prébendaire qu’elle avait peut-être été primitivement. Et Guernachanai, de surcroît, avait vu naître Guillaume de Coëtmoan qui fonda en 1335, à Paris, ce collège de Tréguier ou des Occismiens dont François 1er devait faire le Collège de France. Mais Keramborgne, qui était Crénan, ne le cédait en fantastique ni en ancienneté à ses puissants voisins : pour avoir pris la forme d’une construction bourgeoise, il n’en comptait pas moins plusieurs bons quartiers de noblesse et pouvait se targuer à juste titre de son marquisat, de ses alliances et du grand échanson qu’il avait donné à la couronne. Enfin, si Guernaham avait son diable et Guernachanai son auge, Keramborgne avait son lutin qui portait « un chapeau à larges bords » et exécutait à lui seul la besogne de quatre servantes.

Qu’une telle demeure, bâtie sur le plan moderne avec les matériaux du passé, nous apparaît symbolique de la destinée de Luzel ! Comme elle convenait bien au futur collecteur de nos traditions nationales dont le patient labeur allait fournir une contribution si précieuse à cette science nouvelle du folk-lore faite avec les balbutiements et les premiers songes de l’âme humaine !