Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 2, 1908.djvu/76

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elles ne sont peut-être pas. Encore n’est-ce point où nous le goûtons le moins. Un livre sur la Bretagne d’où l’auteur serait absent pourrait être un magnifique guide Conti, un Bœdeker supérieur : ce ne serait toujours qu’un guide Conti et qu’un Bœdeker. M. Geffroy n’a eu garde d’appliquer ici cette froide et mortelle doctrine de l’impersonnalité littéraire qu’il professa aux temps lointains du naturalisme : il ne fait qu’un avec son livre ; il l’habite vraiment ; l’atmosphère qu’il respire, les paysages qu’il évoque, les mœurs qu’il ressuscite réagissent à leur tour sur lui. Et il apparaît bien en définitive que, pour l’auteur comme pour la plupart des écrivains bretons, la Bretagne est avant tout un état d’âme.

« Je vois la Bretagne, dit-il, dans la magnifique synthèse qui résume et couronne son livre : elle est couleur de pierre, de verdure sombre étoilée d’or, de mousse et de lichen, de costumes noirs, de coiffes blanches, de tabliers de toutes les nuances, de mer bleue, grise, verte, de soleil, de ciel nuageux, de brume et de pluie… J’entends sa rumeur : elle est faite du murmure et de la voix violente de la mer, de l’arrivée du vent à travers l’espace, de la plainte des arbres assaillis par les ouragans, des chants des matelots, des complaintes, des cantiques, des paroles des marchés et des foires, des bruits des sabots sur les pavés des vieilles villes, des musiques sur les routes… Je respire son odeur ; elle sent le goémon, le varech, le sel des vagues, le poisson, la rogue, les fleurs de prairies, de forêts et de falaises, la lande, le fumier, le pain noir, la soupe au lard, le beurre, les pommes, le cidre, l’eau-de-vie, l’encens, les crêpes, le café au lait…