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PRÉFACE


C’est la faute du public, qui a pris goût aux deux premières séries de l’Âme bretonne, — souhaitons que ce ne soit pas son châtiment ! — si nous leur en ajoutons une troisième, qui menace d’être suivie d’une quatrième et d’une cinquième, lesquelles nous mèneront peut-être à la demi-douzaine.

Voilà le danger de ces sortes de livres, et le proverbe semble fait pour eux qui dit qu’on sait bien quand on commence et qu’on ne sait jamais quand on finira. La « matière de Bretaigne », comme l’appelait Jean Bodel, est proprement inépuisable : d’autres avant nous et plus diligemment que nous avaient exploité ce riche filon où nos arrière-neveux trouveront encore de quoi s’occuper. Le métal n’en a point partout la même pureté et parce que l’âme d’un peuple n’est jamais franche de tout alliage, ce peuple fût-il le peuple breton. La Bretagne est un très vieux pays sans doute. Les géologues nous apprennent qu’elle émergea la première de l’abîme silurien. Elle flottait alors sur les eaux ; elle s’est soudée depuis au continent, mais comme à contre-cœur. Il semble qu’on la voie, le dos tourné au monde, perdue dans la contemplation de cet infini marin qui l’épousait jadis de toutes parts. Je songe parfois que son inexplicable détresse vient de là : autant que de pareilles conjectures sont permises,