Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/160

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nébuleux ont un sens très fin des réalités et leur mysticisme est agissant et pratique. Brizeux fut enchanté de l’accueil de Laprade ; Laprade ne fut pas moins ravi de la « fête de cœur et d’imagination » que Brizeux lui avait donnée.

Ce sera un de mes plus chers souvenirs, lui écrivait-il le 6 avril 1851, de vous avoir eu à mon foyer, vous, le plus véritablement, le plus complètement poète de tous par l’âme, par le cœur, par la vie. Mon rêve perpétuel a été d’aimer ceux que j’admire. Dieu soit loué mille fois pour ce nom d’ami que vous me donnez !

Voilà leur intimité nouée. Brizeux, qui sait ou devine les vœux secrets de son nouvel ami, s’est tout de suite mis en campagne pour lui et a tenté de lui gagner Sainte-Beuve, — Sainte-Beuve que Laprade attaquera si violemment un jour dans sa fameuse satire des Muses d’État, mais qu’en attendant il cajole et dont un article le « charmerait ». Cet article ne venant pas et Sainte-Beuve même se montrant assez mal disposé pour l’auteur des Poèmes évangéliques, voire pour Brizeux, dont il avait prôné les premiers vers, mais dont il goûtait moins les suivants, le ton change d’une lettre à l’autre et Laprade, sérieusement, fulmine contre les « prévarications » de l’auteur des Lundis.

Il passera la moitié de sa vie à démentir la première ; il suffit maintenant que la poésie ne soit pas quelque part pour qu’il s’y plaise. Voilà qu’il prend au sérieux les creuses niaiseries de Pierre Dupont, des bêtises incendiaires par-dessus le marché ! Je pense qu’il veut se mettre en règle avec la République rouge et qu’il a écrit sous l’impression de la guillotine. Je ne sais pas où vous en êtes de votre négociation avec lui à mon sujet ; mais il me paraît doublement difficile qu’après avoir loué le mélange de clubs et de basse-cour qui s’appelle la muse populaire, il puisse parler d’une muse aussi peu populaire que la