Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/204

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M. Le Gad, n’était pas sans analogie avec la manière large de Daumier.

C’est à l’instigation d’un de ces artistes, Breton comme lui, le peintre pompéien Jean-Louis-Hamon[1], que Tristan, à la fin de 1868, s’embarqua pour l’Italie, visita Gênes, Rome, Capri, Naples, Palerme et poussa peut-être jusqu’à Jérusalem. Mais il ne semble pas que la séduction des pays du soleil se soit davantage exercée sur lui en 1868 qu’en 1863. On dit qu’à Naples, costumé en mendiant breton, la vielle en sautoir, il demandait l’aumône par les rues. Farce de rapin qui faillit lui coûter cher, cette tentative de concurrence à l’industrie nationale de la mendicité n’ayant que médiocrement séduit le lazzaronisme indigène ! Nous ne la rapportons ici qu’à titre de document et parce qu’elle fait éclater une fois de plus ce goût maladif de la charge qui n’était peut-être, chez Corbière, qu’une forme de sa détresse intime devant la magnificence de l’univers. « Je suis si laid ! » gémira-t-il dans les Amours jaunes. Les René et les Obermann, dont on a voulu le rapprocher, n’ont souffert que dans les parties nobles de leur être. C’étaient des âmes « en exil » dans des corps parfaitement constitués. Chez Corbière, au contraire, c’est l’être tout entier, corps et âme, qui souffre de son esseulement ; sa détresse morale est le réflexe de sa détresse physique. Elle n’a rien d’intellectuel, — ni d’imaginaire. En est-elle moins humaine ? Je n’excuse pas Corbière ; je goûte peu sa parodie sacrilège de l’Italie romantique (Raccrocs). Artiste et poète, il aurait dû sympathiser doublement avec l’Italie sans épithète : il n’en sentit ou n’en voulut sentir, par une

  1. Voir, sur Hamon, l’Âme bretonne, t. I. : Le Peintre de la Renaissance néo-grecque.