Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/359

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sées dans ses armoires, c’est pour se plaindre de ne pouvoir les compter ; des métairies qu’il possède par douzaines dans un pays dont il évite de préciser la position sur la carte, c’est pour envier ceux qui, comme Bias, portent toute leur fortune avec eux, — et finalement, tourné vers la pennérez, il offre de mettre à ses pieds cette Golconde, ce Pérou dont il n’a que faire et qui n’auront quelque prix à ses yeux que si sa « douce » consent à les partager avec lui…

Que vouliez-vous que répondit la malheureuse ? Toute la maison était liguée contre elle et la noce eut lieu dans la huitaine. Elle dura sept jours pleins et, de mémoire de Breton, fut la plus belle qu’on eût jamais vue. Au bout de ce temps et sans qu’une seule fois, même au lit, il eût déganté sa main droite, le mari prit sa femme en croupe et partit avec elle, soi-disant pour la présenter à ses beaux-parents ; ils devaient habiter fort loin, car, au bout de trois jours de cheval, le couple n’était pas encore rendu et le cœur de la pennérez se serrait dans sa poitrine.

— Qu’avez-vous, ma douce jolie ? finit par lui demander son mari comme on pénétrait sous le couvert d’une épaisse forêt.

— Je ne me sens pas bien, dit-elle, et j’aimerais retourner chez mon père

— Y songez-vous ? Alors que nous sommes si près du but !

— Mon mari, dites-moi, une chose me tourmente : pourquoi ne retirez-vous jamais le gant de votre main droite ?

— C’est pour que tu ne saches pas comment elle est faite, mais le moment est venu de te l’apprendre, dit le chef de brigands (car c’était lui) et, ce disant, il ôta son gant, et, du revers de sa main postiche, qui était en fer, il appliqua une terrible paire de soufflets à la pennérez. En même temps il sifflait ses gens et leur jetant la malheureuse :

— Voilà, dit-il, la salope qui a tranché ma main. Je vous la livre : celui qui lui fera le pire outrage, celui-là sera mon préféré.

Alors commence pour la pauvrette une existence de sévices en comparaison de laquelle la vie que Peau d’Âne menait dans la compagnie de ses dindons apparaît comme enviable ; sans une vieille servante qui la prit en pitié et, un jour qu’elles étaient ensemble au lavoir, lui fournit le moyen de s’évader, elle serait morte à la peine. Mais les aventures où elle est entraînée après cette évasion et dont la majeure partie se déroulent dans une auberge de Plou-