Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/372

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ment le caveau du monde. L’air y est encore peuplé de fantômes. La foi catholique y devait prendre nécessairement un tour funèbre : elle s’y agenouille comme ailleurs, mais sur la poussière des héros païens.



Dans la plupart de nos villages, jusqu’en ces dernières années, on refusait d’accorder aux familles des concessions perpétuelles. Mesure excellente, imposée par la faible dimension de l’enclos paroissial et surtout par la volonté de faire participer tous les membres du clan à ses secrètes félicités.

C’est une croyance aussi vieille que la race qu’ils ne peuvent être heureux qu’en mêlant leur poussière à celle de leurs ancêtres. En 1884, à l’île de Sein, l’épidémie de choléra fit un si grand nombre de victimes qu’on dut les enterrer à part. Le lieu était consacré ; les défunts, semble-t-il, pouvaient y dormir en paix. Tel n’était pas l’avis de la population qui, croyant ouïr dans le vent nocturne le gémissement de leurs mânes, suppliait qu’on les rendît à la terre paroissiale, parce que là, seulement, ils pouvaient goûter en compagnie de leurs proches un repos définitif. Le médecin de la marine en résidence à Sein s’opposait à cette exhumation, qu’il jugeait dangereuse, et, chaque année, le conseil municipal revenait à la charge. Dans cette même île de Sein, à Ouessant, à Batz, à Ploubazlanec, un peu partout sur la côte, si l’homme a péri en mer et que son corps n’ait pas été retrouvé, on procède à un simulacre d’enterrement : on creuse une fosse et on y dépose un des vêtements du disparu. Ainsi quelque