Page:Le Goffic - Poésies complètes, 1922.djvu/156

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La brume à ce moment couvrit tout. Il semblait
Que nous étions cernés dans une mer de lait,
D’où montait une plainte douce…

Une plainte confuse et vague, un chant lointain
Qui tremblait sur la mer du côté de Plestin,
Comme exhalé de mille bouches clandestines.
Il approchait avec la brume et le jusant,
Si bien qu’on y pouvait distinguer à présent
Des mots bretons, mêlés de syllabes latines.


Pour être franc, je n’étais pas très rassuré :
Le vieil Eno criait déjà Miserere
Et jurait de ne plus s’attarder aux auberges.
Stanis, pauvre innocent, riait d’un rire amer,
Et soudain le brouillard disparut, et la mer
Fut pleine de clartés de cierges.
 
Il en naissait, il en surgissait de partout !
Comme on voit sur les blés les abeilles en août,
Leurs feux pâles dansaient à la pointe des lames.
Ils rayaient l’ombre avec des vols brusques d’oiseaux.
Et, tandis que leurs bonds se croisaient sur les eaux,
On entendait grossir la prière des Âmes.