Page:Le Grand Meaulnes.djvu/184

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 ; je craignais de faire tout seul le chemin du retour, lorsque j’entendis près de moi l’appeau de M. Seurel, la voix de Mouchebœuf, puis d’autres voix qui m’appelaient…

Il y avait là une troupe de six grands gamins, où, seul, le traître Mouchebœuf avait l’air triomphant. C’était Giraudat, Auberger, Delage et d’autres… Grâce à l’appeau, on avait pris les uns grimpés dans un merisier isolé au milieu d’une clairière ; les autres en train de dénicher des pics-verts. Giraudat, le nigaud aux yeux bouffis, à la blouse crasseuse, avait caché les petits dans son estomac, entre sa chemise et sa peau. Deux de leurs compagnons s’étaient enfuis à l’approche de M. Seurel : ce devait être Delouche et le petit Coffin. Ils avaient d’abord répondu par des plaisanteries à l’adresse de « Mouchevache ! », que répétaient les échos des bois, et celui-ci, maladroitement, se croyant sûr de son affaire, avait répondu, vexé :

— Vous n’avez qu’à descendre, vous savez ! M. Seurel est là…

Alors tout s’était tu subitement ; ç’avait été une fuite silencieuse à travers le bois. Et comme ils le connaissaient à fond, il ne fallait pas songer à les rejoindre. On ne savait pas non plus où le grand Meaulnes était passé. On n’avait pas entendu sa voix ; et l’on dut renoncer à poursuivre les recherches.

Il était plus de midi lorsque nous reprîmes la route de Sainte-Agathe, lentement, la tête basse,