Page:Le Grand Meaulnes.djvu/249

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Ils descendirent enfin vers la pelouse, les uns tirant l’ânon par la bride, les autres poussant derrière la voiture. Nous reprîmes notre attente. Meaulnes regardait fixement le détour du chemin des Sablonnières, guettant avec une sorte d’effroi la venue de la jeune fille qu’il avait tant cherchée jadis. Un énervement bizarre et presque comique, qu’il passait sur Jasmin, s’était emparé de lui. Du petit talus où nous étions grimpés pour voir au loin le chemin, nous apercevions sur la pelouse, en contrebas, un groupe d’invités où Delouche essayait de faire bonne figure :

— Regarde-le pérorer, cet imbécile, me disait Meaulnes.

Et je lui répondais :

— Mais laisse-le. Il fait ce qu’il peut, le pauvre garçon.

Augustin ne désarmait pas. Là-bas, un lièvre ou un écureuil avait dû déboucher d’un fourré. Jasmin, pour assurer sa contenance, fit mine de le poursuivre :

— Allons, bon ! Il court, maintenant… fit Meaulnes, comme si vraiment cette audace-là dépassait toutes les autres !

Et cette fois je ne pus m’empêcher de rire. Meaulnes aussi ; mais ce ne fut qu’un éclair.

Après un nouveau quart d’heure :

— Si elle ne venait pas ?… dit-il.

Je répondis :

— Mais puisqu’elle a promis. Sois donc plus patient !