Page:Le Grand Meaulnes.djvu/261

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— Eh bien je ne vous fais pas mon compliment.

Quelqu’un suggéra :

— Peut-être que de l’eau fraîche… En le baignant dans le gué…

— Il faut, dit Meaulnes sans répondre, emmener tout de suite ce vieux cheval, pendant qu’il peut encore marcher, — et il n’y a pas de temps à perdre ! — le mettre à l’écurie et ne jamais plus l’en sortir.

Plusieurs jeunes gens s’offrirent aussitôt. Mais Mlle de Galais les remercia vivement. Le visage en feu, prête à fondre en larmes, elle dit au revoir à tout le monde, et même à Meaulnes décontenancé, qui n’osa pas la regarder. Elle prit la bête par les rênes, comme on donne à quelqu’un la main, plutôt pour s’approcher d’elle davantage que pour la conduire… Le vent de cette fin d’été était si tiède sur le chemin des Sablonnières qu’on se serait cru au mois de mai, et les feuilles des haies tremblaient à la brise du sud… Nous la vîmes partir ainsi, son bras à demi sorti du manteau, tenant dans sa main étroite la grosse rêne de cuir. Son père marchait péniblement à côté d’elle…

Triste fin de soirée ! Peu à peu, chacun ramassa ses paquets, ses couverts ; on plia les chaises, on démonta les tables ; une à une, les voitures chargées de bagages et de gens partirent, avec des chapeaux levés et des mouchoirs agités. Les derniers nous restâmes sur le terrain avec mon