Page:Le Grand Meaulnes.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

donnable petite Valentine. Que va-t-il nous arriver ? Enfin je ne suis pas superstitieux… »

Meaulnes lisait, à demi aveuglé de regret et de colère, le visage immobile, mais tout pâle, avec des frémissements sous les yeux. Valentine, inquiète de le voir ainsi, regarda où il en était, et ce qui le fâchait ainsi.

— C’est, expliqua-t-elle très vite, un bijou qu’il m’avait donné en me faisant jurer de le garder toujours. C’étaient là de ses idées folles.

Mais elle ne fit qu’exaspérer Meaulnes.

— Folles ! dit-il en mettant les lettres dans sa poche. Pourquoi répéter ce mot ? Pourquoi n’avoir jamais voulu croire en lui ? Je l’ai connu, c’était le garçon le plus merveilleux du monde !

— Vous l’avez connu, dit-elle au comble de l’émoi, vous avez connu Frantz de Galais ?

— C’était mon ami le meilleur, c’était mon frère d’aventures, et voilà que je lui ai pris sa fiancée !

» Ah ! poursuivit-il avec fureur, quel mal vous nous avez fait, vous qui n’avez voulu croire à rien. Vous êtes cause de tout. C’est vous qui avez tout perdu ! tout perdu !…

Elle voulut lui parler, lui prendre la main, mais il la repoussa brutalement.

— Allez-vous-en. Laissez-moi.

— Eh bien, s’il en est ainsi, dit-elle, le visage en feu, bégayant et pleurant à demi, je partirai en effet. Je rentrerai à Bourges, chez nous, avec ma sœur. Et si vous ne revenez pas me chercher, vous savez, n’est-ce pas ? que mon père est trop