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Le mariage d’une petite princesse

Étude historique
(suite)


Aussi lorsque Tessé arrivait à Turin pour y conclure le mariage du duc de Bourgogne, trouva-t-il la petite princesse toute préparée au nouveau rôle que ses onze ans allaient avoir à jouer.

La veille du départ, il y eut au palais, un grand festin suivi d’un grand bal. La charmante enfant portait une robe en velours blanc ciselé avec une taille longue et busquée, un fil de perles au cou et des fleurs de grenadier dans ses cheveux frisés en spirales. Il est probable que l’enfant ne dut pas profiter beaucoup de cette soirée magnifique, si l’on songe aux ennuis de l’étiquette officielle pour une fillette de onze ans qui ne devait demander qu’à rire et à sauter ; mais ces enfants de rois, élevés d’après une discipline sévère, prenaient une attitude constamment digne, du moins en public et grandissaient loin de leurs parents sans connaître leur tendresse. Dès qu’ils paraissaient devant eux, une tenue impeccable leur était imposée.

Le soir du bal, notre petite princesse dansa avec M. de Tessé et montra un visage souriant toute la soirée. Mais le lendemain, elle ne put retenir ses pleurs et se jeta au cou de sa mère en sanglotant, — son auguste père l’attira doucement à lui, l’appelant des plus doux noms et lui faisant encore quelques recommandations pour le voyage. La comtesse de Cisterna et le marquis de Dromero furent chargés de le reconduire jusqu’aux frontières de France. Sa mère la duchesse Anne et sa grand’mère Madame Royale l’accompagnèrent jusqu’à Avigliano.

À peine arrivée à Point-de-Beauvoisin, elle fut déclarée fille de France. Un courrier du roi venait d’apporter l’ordre de la traiter en tout comme l’épouse du duc de Bourgogne.

Louis XIV, de son côté, venait au-devant de la jeune princesse et la rencontre devait avoir lieu à Montargis. En approchant de cette ville, son petit cœur battait bien fort, et elle se souvint alors des recommandations de sa mère pour cette première entrevue. La foule était immense et les carrosses avaient peine à avancer ; mais oubliant tout, elle sortit le corps à moitié de la portière et vit le Roi sur le balcon du logis où il était descendu. Aussitôt qu’il eut aperçu le carrosse de la jeune princesse, il descendit avec tous les princes pour la recevoir. Et comme elle voulait se jeter à ses genoux, Sa Majesté la retint et l’embrassa en lui disant : « Ma fille, je vous attendais avec bien de l’impatience. »

Toute gracieuse, elle lui répondit : « Sire, ce jour est le plus heureux de ma vie. » Puis elle prit la main du roi et la baisa tendrement. Le roi la présenta ensuite à Monseigneur, à Monsieur, et Monseigneur le duc de Chartres. Le roi ne se lassait pas d’admirer sa bonne grâce et son esprit et il prit grand plaisir à la faire causer.

Le soir, il joua aux jonchets avec elle, elle y montra tant de grâce et tant d’adresse que le roi, ébloui, ne pouvant contenir sa joie, dit au marquis de Dangeau qui se trouvait à ses côtés : « Je suis trop satisfait, je vais l’écrire à Madame de Maintenon. »

Marie-Adélaïde venait en France sans connaître celui à qui elle allait lier son existence, ce qu’elle savait c’est qu’elle était appelée à être reine, mais du mari on parlait peu.

À cette époque où l’on fiançait les jeunes princes et princesses dès leur enfance, à cinq cents lieues de distance, il fallait bien donner une idée de la future au prince lointain qui devait l’épouser. Or il n’y avait d’autre moyen que de faire peindre son portrait par le plus habile homme du royaume et l’envoyer ensuite par un messager sûr dans le pays du fiancé.

C’est ainsi que la petite princesse put se faire une idée de Louis de France et lorsqu’il vint au-devant d’elle et de la cour à Fontainebleau, elle fut bien aise de constater qu’il ressemblait au portrait qu’il lui avait envoyé et qu’il lui plaisait beaucoup.

Aussitôt que le jeune duc vit le carrosse du roi, il oublia toute étiquette et marcha cinquante pas à pied ; elle s’aperçut alors qu’il avait une épaule un peu plus forte que l’autre, ce qui gênait un peu sa démarche, mais il n’y paraissait rien quand il était à cheval,

Madame Sauvalle.
(À suivre)


Pro Patria !


NOTRE projet de former les Canadiens-français à se rendre dignes d’occuper les chaires de littérature dans nos Universités a été accueilli par un grand nombre d’adhésions.

Nous citerons particulièrement un extrait de lettre, qui nous a été adressée par un membre distingué du clergé canadien :

« Mes félicitations de vos idées sur la formation des futurs conférenciers de littérature à l’Université.

« Le croiriez-vous ? depuis un an, ici, on essaie de nous persuader que les conférences de littérature française au Canada ne peuvent être données que par des Français.

« Momentanément, c’est vrai : pas de Canadiens préparés à remplir ces chaires. Mais, d’un commun accord, poussons qui de droit à envoyer de préparer là-bas de jeunes Canadiens. Les raisons que vous en donnez sont excellentes. Vous le dites bien, les aptitudes sont ce qui manque le moins, et ces chaires de littérature, offertes à notre jeunesse étudiant, stimuleront puissamment les talents. C’est une carrière qu’on ambitionnera, me semble-t-il. »



Faut-il gâter les enfants ?


SI l’on s’en tenait à la signification exacte du verbe employé dans ce titre, la réponse à la question qu’il formule ne pourrait être que négative. En effet, dans son acception la plus usuelle, le mot gâter exprime une idée de détérioration, de déformation sans profit, sans nul avantage. Mais le même vocable cesse entièrement de se montrer sous un jour aussi défavorable et se fait mieux apprécier, quand il s’applique aux rapports existant entre les parents et leurs enfants ; lorsqu’il vise les bons procédés dont les pères ne se montrent point avares envers ceux qui leur doivent la vie ; aux heures où il évoque les cajoleries, les tendresses que, sans compter, les mères prodiguent aux êtres qu’elles ont appelés à l’existence et qu’elles ne trouvent jamais assez choyés, suffisamment fêtés.