Page:Le Monde moderne, T4, 1896.djvu/687

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Pas une pierre tumulaire, en ce petit jardin d’aspect riant ; pas un souvenir mortuaire ! mais de belles fleurs entretenues avec un soin pieux. En se penchant sur le seuil de la porte, on distingue difficilement ces trois lettres : ney.

Peut-être, comme dans la légende allemande, à l’heure mystérieuse où la Nature se recueille, se réveillent-ils, tous ces morts illustres, pour causer entre eux de la patrie ; peut-être y a-t-il là, à certains anniversaires, des secousses dans le sol et des frissons dans les arbres !

En opposition aux guerriers, voici la réunion des musiciens et des écrivains aux doux accents, aux poétiques créations : la Muse de l’Harmonie, pleurant sur Bellini ; le Génie de l’Inspiration, brisant sa lyre sur la tombe de Chopin. Ce sont aussi, gravés sur le marbre, les noms de Boïeldieu, de Grétry, de Chérubini, d’Hérold, d’Érard, le célèbre facteur de pianos ; de la Dugazon, de Bernardin de Saint-Pierre, du chevalier de Boufflers, avec cette inscription où s’étalent tout l’esprit et tout le scepticisme de sa société : Mes amis, croyez que je dors.

Saint-Lambert et Parny sont les proches voisins de l’endroit où gisent, en la solennité de leurs périphrases, La Harpe et l’abbé Delille. Le monument de Talma, d’une sévère simplicité de lignes, très peu élevé et entouré de plantes vertes, attire le regard, par le nom du grand tragédien gravé dans la pierre en majuscules énormes. C’est également dans cette partie du cimetière que l’on voit la tombe du conventionnel Lakanal et celle de la famille Carnot.

Les illustrations de l’époque tourmentée, qui commence avec l’Empire et s’achève avec la première moitié du règne de Louis-Philippe, se sont donné rendez-vous dans cette partie du cimetière où devait se dresser plus tard le bronze monumental, mais peu artistique de Casimir Périer.


monument d’héloïse et d’abélard

Chefs d’armée, chefs d’école, artistes, comédiens, penseurs, philosophes comme Fontanes ou Fourier ; orateurs comme Barras ou les trois frères Lameth ; habitués des salons où l’on avait été pour les Blancs ou pour les Bleus, pour les Romantiques ou pour les Classiques ; où l’on s’était pâmé aux poésies de Népomucène Lemercier ou aux bons mots de M. de Talleyrand ; représentants de la haute noblesse comme la princesse Leczinska ou la duchesse de Vaudemont-Montmorency ; tous ceux qui ont connu la renommée, tous ceux qui ont joué un rôle à l’avènement du siècle, mêlent pour ainsi dire leurs cendres dans le même morceau de terre du dernier asile.

Faut-il citer encore quelques noms ? Élisa Mercœur, Victor, duc de Bellune ; Kellermann, Monge, le peintre Gros, Junot, duc d’Abrantès ; Isabey, Mme de