Page:Le Monde moderne, T4, 1896.djvu/689

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ces obélisques, dans le geste conventionnel de ces Victoires, de ces Gloires, de ces Génies, de ces Muses, avec leur éternelle palme, leur couronne de laurier ou leur lyre brisée ?

Considérez le chemin parcouru depuis le jour où l’on sculpta le Désespoir sur la tombe de Bellini ; depuis celui où Clésinger orna le mausolée de Chopin ; où David d’Angers retraça dans le marbre l’épisode final de la vie du général Gobert. L’idéale conception de la sont gravées sur la pierre. C’est une façon comme une autre dépasser à la postérité avant la mort.

Enfin, dans le Géricault d’Etex, l’art fait une belle tentative d’affranchissement. Le peintre du Radeau de la Méduse, celui qu’on appelait en 1820 le « Révolutionnaire du pinceau », possède un tombeau digne de lui.

Mais la période romantique s’est ouverte. Théophile Gautier a endossé son gilet rouge et l’on joue Hernani aux forme, la recherche harmonieuse de la ligne, cèdent à la préoccupation constante de ne pas sortir des sentiers battus, des règles d’école nettement arrêtées, des traditions caduques. Crozatier, l’auteur du Napoléon de la Colonne et du Louis XIV de Versailles, synthétise à merveille cette époque.


la tombe de talma

Et quelle profusion d’urnes renversées, de flambeaux éteints, de sabliers retournés, de colonnes brisées, surmontant des constructions massives, ornées d’inscriptions prétentieuses par lesquelles on nous met au courant, avec une exagération émue, des innombrables qualités du défunt ! Parfois même, les qualités du vivant qui fit édifier le monument Français. C’est au Père-Lachaise le triomphe des arbres : saules et cyprès : des rochers abrupts, des simili-grottes. Toute une affectation de simplicité théâtrale, si l’on peut unir ces deux mots. Une poésie mortuaire spéciale, qui part toujours d’un bon sentiment, mais fait sourire souvent les indifférents, se répand sur le marbre, sur le granit, sur l’airain :

Vingt-deux ans et tu meurs,
O Mélanie !…

Tu fus presque parfait sans être un homme illustre ; Ma vie est maintenant sans bonheur et sans lustre.

D’excellentes gens, qui n’ont jamais eu une idée de la prosodie, exhalent