Page:Le Monument de Marceline Desbordes-Valmore, 1896.pdf/11

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Cinq ou six heures durant, un peuple entier vibre ; les lendemains passent, que reste-t-il ? Une pensée pieuse a résolu qu’il resterait quelque chose de la fête du 13 Juillet 1896. Toutes les grandiloquences de ce jour-là, toutes ses harmonies, les tributs payés au génie de Marceline Desbordes-Valmore, humbles ou glorieux, valaient d’être retenus. On les enchâsse ici comme dans un reliquaire ; on constitue, de leur assemblage, le Livre d’Or de l’illustre poète. N’y cherchez point le détail des réjouissances extérieures, le tapage des rues pavoisées, l’allégresse et l’orgueil de la foule : les éditeurs de cet In memoriam n’ont voulu consigner pour l’histoire littéraire du siècle que le concert enthousiaste de nobles esprits autour de la plus lamentable, de la plus radieuse des âmes. C’eût été, à coup sûr, l’hommage préféré de Marceline. Aux vains tumultes du dehors elle ne demandait ni joies ni consolations ; mais se sentir comprise enfin, elle la douloureuse incomprise, et bercée de tendresses, elle l’affamée d’amour dont la vie fut un long et sublime sanglot, quelle ineffable récompense ! Nulle victoire ne l’eût plus doucement émue.

Par ce mystérieux arrangement des choses qui ressemble toujours à du hasard et qui n’en est peut-être jamais, l’inauguration de la statue de Marceline Desbordes-Valmore à Douai eut lieu en plein mois de juillet. Les dates ont parfois leurs secrètes affinités. Celle-ci ne pouvait être mieux choisie. Observez, en effet, comme de tous les chants de Marceline se dégagent, d’une effluve forte et pénétrante, des sensations d’été — l’été de Flandre, un peu lourd, presque orageux, sous un ciel qui brille moins qu’il ne brûle, avec des parfums exaspérés de roses mourant dans des brises enflammées. Ces exhalaisons de fleurs, ces souffles d’orage, il semble qu’on ait voulu, au moment où sa statue allait apparaître à tous les regards, lui en laisser une fois encore venir l’enivrement et l’angoisse. Oui, vraiment, entre son œuvre et l’heure où on la célébrait, il y eut une harmonie.

Il y en eut une aussi entre le caractère passionné de son culte pour le sol d’origine et l’admiration de ceux qui, en étant sortis depuis elle, l’aimaient comme elle, et lui savaient gré de l’avoir si filialement chanté. L’image de la patrie était dans tous les cœurs. Quoiqu’on ait, en l’occurrence, départi à la Ville de Douai un rôle plus effacé que de raison, au point de ne l’avoir seulement