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Maître qui a tenu à venir tout exprès pour vous réciter l’œuvre d’un autre. Fier effacement qui nous permet de le remercier du double hommage qu’il apporte ainsi à la Grande Marceline : la page que lui a consacrée un poète mort — et immortel ; et la page — sans nul doute bien exquise ! que lui-même, heureusement bien vivant ! lui a dédiée… dans son cœur !

Quant à Michelet, vous savez ce qu’il a dit d’Elle, quand il a parlé de cette puissance d’orage qu’elle seule a jamais eue sur lui !

Cela nous permet, n’est-ce pas ? de sourire de ces gens graves, ceux-là sans doute dont le penseur a écrit : « La gravité est un masque qui sert à cacher le défaut d’esprit » – qui trouveraient indigne de leur sérieux, de se sentir émus par celle qui bouleversait ce vaste génie, et qui voudraient maintenir à cette vraie muse, le caractère un peu vieillot et suranné sous lequel elle fut longtemps discréditée ; tandis qu’il ne s’agit de rien moins, lorsque l’on parle d’elle, que de l’un des plus purs, des plus hauts, des plus tendres et touchants génies dont l’humanité se soit honorée.

Et, pour Lamartine, on ne se lasse pas de ressasser l’anecdote à laquelle nous devons le sublime chant alterné qui va vous transporter dans une heure. Lisant, par hasard, dans un de ces Keepsakes si fort à la mode, en ce temps-là, une poésie dédiée à M. A. de L. par notre poète, l’auteur de Jocelyn ne douta pas que ces initiales ne fussent les siennes, et répondit, d’enthousiasme, un chant divin, à celle dont il ne connaissait que le génie et les souffrances. Elle, capable de s’élever aux plus ravissants des accents, mais non de proférer le plus ingénu des mensonges, devait bien avouer que le dédicacé était un autre, et du même rythme, mais d’un souffle, s’il se peut, plus inspiré, répondait, à son tour, une ode douloureusement enchanteresse.

Entre ces grands morts et les grands vivants qu’anime une pareille tendresse pour cette poésie, c’est encore un poète, un autre grand poète qui nous servira de lien ; un poète qui n’a pas voulu mourir sans modeler, tout au moins en de survivantes strophes que vous allez entendre, le buste de celle qu’il admirait parmi tous, et dont la réverbération en son œuvre est à la fois directe et discrète. Ce poète-là, Mesdames et Messieurs, que je le rappelle à votre respect attendri, c’est, vous le savez, Paul Verlaine !

Dans le présent, ce sont (entre autres), MM. Anatole France, Jules Lemaître, Rodenbach, Descaves, qui se sont fait une gloire et une joie d’exercer autour de celle que je nomme la modeste immortelle, des talents si brillants et si divers.

Moi-même, je possède deux curieuses lettres à moi adressées ; l’une de Dumas fils, l’autre de M. Henri Rochefort. La première au sujet de cette