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les jumeaux

les avait si bien soignés qu’ils furent classés “a” et conscrits à la première heure.

Ce fut un rude coup pour la famille entière. Ils remplissaient tellement la maison de leur présence caractéristique. Mais il fallait bien accepter le sacrifice et endosser le kaki et quitter la famille et la maison qu’ils n’avaient jamais auparavant quittée pour un seul soir.

On disait :

— Heureusement, ils sont tous les deux. Pourvu qu’on ne les sépare pas ! —

On ne les sépara pas. Ils furent du même régiment, ils partagèrent la même hutte. Ils devinrent de plus en plus semblables, à cause de l’uniforme. Si bien, que, lorsqu’ils venaient en congé, s’ils devaient maintenant prendre un tramway, ils ne prenaient pas le même, préférant s’attendre plutôt quelques instants au bout du chemin, fatigués qu’ils étaient d’être dévisagés par les gens qui avaient l’air de penser, en les regardant, qu’ils voyaient double !

Ils avaient beaucoup de mal à se faire à la vie du camp. Ils s’ennuyaient terriblement de la maison, et ils le disaient trop. Pour le cœur de la mère, il y eut bien de durs moments, bien des prières, des sacrifices à adresser au ciel, bien des encouragements pénibles à prodiguer. Mais d’autres étaient moins heureux qu’eux. Ils se lièrent à de pauvres garçons dont ils eurent pitié, parce qu’ils n’avaient aucune famille, que personne ne s’occupait d’eux, qu’ils ne recevaient ni lettres, ni colis, ce qui était tellement triste. Aussi, les gâteaux, les fromages, les douceurs que chaque