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enthousiasme

abattait si bien. Et si, maintenant, on ne la voyait plus dans le monde que le samedi et le dimanche, au moins, elle n’attirerait pas la pitié, et l’on pourrait dire :

— Jamais Marise n’a été si chic !

C’était de la vanité pure. Mais elle ne s’en cachait pas. Elle avait même osé, un jour, dire cette monstruosité : « Si Dieu lui avait demandé de choisir entre la beauté sans intelligence et la laideur géniale, elle aurait sans hésiter réclamé la beauté sotte ». Peut-être, à la vérité, était-il fort aisé d’opter ainsi après coup, quand elle avait reçu un plein panier de dons, et la beauté et l’intelligence par-dessus le marché.

Marise, joyeuse, les mains dans les poches de son manteau de fourrure, un foulard élégamment noué sur ses boucles brunes, était allée retenir le tissu extraordinaire de son costume de fête et consulter les modèles que le grand couturier suivrait, mais en les embellissant de son inspiration. Puis par un beau jour de mars blanc, propre, et juste assez froid pour être gai, Marise se rendait tout heureuse à un premier essayage… Elle se tenait bien droite. Elle était grande, sans l’être trop. Elle était mince et souple, et elle marchait la tête haute, parce que, sans le vouloir, sa distinction n’allait pas sans un peu de hauteur. Elle ne se mêlait pas facilement à ceux qui n’étaient pas de son milieu. Certains disaient même qu’elle était snob, mais non, ce n’était pas du snobisme, c’était une seconde nature. Et son beau tailleur de Pâques, elle se l’offrait aussi en compensation de ces odieux voyages maintenant obligatoires